Qu’est-ce qui détermine la prime de risque des placements privés : l’illiquidité ou la complexité ?
25 juin 2021
Souvent, on attribue le rendement légèrement supplémentaire (la prime de risque) des placements privés à leur liquidité limitée. Mais il s’agit d’un raisonnement trop simpliste, selon le Dr. Nils Rode, Chief Investment Officer chez Schroder Adveq Investment. Il parle davantage d’une prime de complexité que d’une prime d’illiquidité.
Cela dépasse la liquidité
Les placements en capital-investissement restent généralement bloqués des années. La liquidité plus faible, ou l’illiquidité, des placements privés est souvent considérée comme un inconvénient par rapport aux investissements liquides. Cet inconvénient est compensé, pour les investisseurs, par une prime de risque, à savoir un rendement plus élevé.
Rode exprime ses réserves à ce sujet. D’abord, il considère que l’illiquidité ne constitue pas un risque et, ensuite, il constate qu’au fur et à mesure de l’augmentation de la popularité des placements privés, la liquidité augmente également. Si l’illiquidité et le capital-investissement étaient indissociables, la popularité de ce dernier devrait peu à peu diminuer, ce qui n’est pas le cas. Pour Rode, le rendement des investissements privés est obtenu par la convergence d’une opportunité d’investissement unique et des compétences de gestion adaptées, ce qu’il appelle la prime de complexité.
L’illiquidité comme un choix et une opportunité
La prime d’illiquidité part du principe que les investisseurs n’investissent en capital-investissement que si la liquidité inférieure est compensée. Mais il ne s’agit pas là de la seule raison. Ces placements offrent également une plus faible volatilité, des opportunités de diversification et la possibilité d’atteindre les objectifs d’impact et de développement durable.
Cela dit, l’investissement en capital-investissement représente bien un choix assumé de liquidité inférieure. Il s’assortit d’un horizon de placement à plusieurs années, pouvant aller jusqu’à 8 ou 12 ans. Il ne s’agit pas d’un risque, mais d’un choix des investisseurs. Et ce choix représente, en réalité, une opportunité. Il requiert patience et sélectivité dans la réalisation d’une opération et dans la possibilité de pouvoir en sortir. Aujourd’hui, le capital-investissement offre déjà une plus grande liquidité qu’auparavant, alors que le rendement supérieur persiste. Il propose donc davantage qu’une prime de risque.
Le rendement supérieur s’explique généralement par l’augmentation du risque. Mais il s’agit d’un modèle théorique. La pratique montre que la différence de rendement des placements privés ne s’explique pas uniquement par la chance et le hasard. Au contraire, l’expertise des gestionnaires joue un rôle important. La surperformance s’explique donc mieux par la combinaison de facteurs de risque et des capacités à gérer les investissements.
Les différences de capacité à gérer les investissements jouent indubitablement un rôle dans le capital-investissement, en raison de l’accès plus limité aux informations. L’investisseur lui-même joue un rôle plus actif dans la recherche, la négociation, la transformation et la revente d’un investissement. Ces compétences se présentent principalement dans (la plupart) des transactions de plus petite envergure et dans les segments moins efficaces du marché.
Prime de complexité dans les investissements à impact social
Les investisseurs qui souhaitent avoir un impact ne considèrent pas seulement le rendement financier. Ils veulent des investissements durables, dont l’impact sur la société et l’environnement persiste. Ils s’arrêtent facilement aux investissements privés, qui leur proposent des produits sur mesure et un rendement pondéré supérieur.
La complexité provient de l’absence de standardisation des transactions, de leurs caractéristiques spécifiques et du manque de marché secondaire. C’est d’autant plus le cas sur les marchés émergents auxquels s’adressent de nombreux investisseurs à impact social. L’accès limité aux informations et le caractère imprévisible des développements locaux sur les marchés émergents complètent cette prime de complexité. Les investisseurs à impact social sur les marchés émergents perçoivent, avec la prime de complexité, une rémunération pour le travail supplémentaire qu’ils doivent réaliser pour trouver et concrétiser une opération.
Exemples de prime de complexité
Rode propose deux exemples de son propre portefeuille pour expliquer la prime de complexité, tout en faisant remarquer qu’il n’existe pas deux investissements identiques.
1. Investissement en capital-investissement dans un centre de soins de santé
Une opportunité d’investir dans un centre de soins de santé, grâce à une relation d’investissement, et sur la base de l’expérience acquise précédemment avec un modèle d’entreprise comparable, s’est présentée. Le gestionnaire de fonds disposait des compétences spécialisées pour le développement de l’entreprise, en améliorant la qualité des soins, ce qui a profité à tous les patients et a permis d’augmenter les revenus. Finalement, les bases ont été jetées pour une sortie réussie. Dans le cadre de cette prime de complexité, la liquidité n’a joué aucun rôle.
2. Investissement dans un immeuble de bureaux à Londres
Une autre opportunité s’est offerte d’acquérir un immeuble de bureaux dans le quartier Old Street, à Londres. Un quartier dont on pense qu’il exerce une force d’attraction sur le secteur de la technologie. Après d’importants travaux de rénovation, la majeure partie de l’immeuble a été louée à deux entreprises de technologie et de marketing en pleine croissance, avant même la fin des travaux. Old Street a émergé comme centre technologique en croissance et suscite un intérêt grandissant de la part des investisseurs. C’est la création de valeur qui a entraîné l’illiquidité, pas le contraire.
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Par le Dr. Nils Rode, Chief Investment Officer chez , Schroder Adveq Investment.