Quelle est la cause de l’effondrement des places boursières chinoises et quelles en sont les conséquences pour les investisseurs ?

Les marchés chinois ont de nouveau fait les gros titres ces dernières semaines. Les tensions géopolitiques entourant le commerce persistent, mais le comportement et la performance du marché, notamment dans le secteur technologique, ont également concentré l’attention. Tom Wilson, Responsable des Actions des marchés émergents chez Schroders, évoque les causes de ce revers.

Le gouvernement chinois semble lancer une offensive contre le secteur technologique. Pourquoi ?

Dans un premier temps, il y a lieu dans certaines circonstances de durcir la réglementation.

Le rythme de l’innovation est en avance sur la législation, thème que nous avons observé sur les marchés développés, notamment dans le cas des sociétés technologiques.

La Chine souhaite également renforcer la légitimité du Parti communiste chinois et mettre l’accent sur ce qu'elle appelle la « prospérité commune ». Ces dernières décennies, la Chine a connu un franc succès économique, mais les inégalités se sont également accrues. La réglementation reflète en partie le souhait de voir la croissance économique se propager davantage. D’une certaine manière, il existe des similitudes avec les développements au plan des politiques dans les pays développés.

Les entreprises sont également de plus en plus tenues de s’aligner sur les objectifs stratégiques de l’Etat. Le secteur privé, comme évoqué précédemment, doit se préoccuper davantage du bien commun. Toutefois, les tensions entre les États-Unis et la Chine pourraient également conduire à un monde plus polarisé, ce qui pourrait compliquer l’accès de la Chine aux technologies de pointe. Les Chinois ont donc une forte volonté de progresser vers l’autosuffisance technologique. Le secteur privé dispose d’énormes capacités intellectuelles et financières pour soutenir cet élan en cours, que ce soit du point de vue des logiciels dans le domaine de l’intelligence artificielle, ou du matériel informatique s’agissant des semi-conducteurs.

Les marchés chinois compte parmi ceux les moins performants au monde depuis le début de l’année. Cette déconvenue était-elle attendue ?

La réponse est oui. Dans les faits, les pressions réglementaires généralisées alimentent l’incertitude. L’orientation principale est la lutte contre les pratiques anticoncurrentielles, les inégalités, le traitement des travailleurs de l’économie à la tâche, etc. Cependant, d’autres éléments de la réglementation visent une possible révision des structures VIE.

D’une manière générale, la réglementation alimente l’incertitude, ce qui entraîne une hausse de la prime de risque et, potentiellement, la suppression des rendements. Une détérioration du marché est donc normalement attendue en cas de changements relativement généralisés dans la réglementation.

Vous évoquez les « VIE ». Pouvez-vous nous dire en quoi ils consistent et pourquoi ils ont une incidence sur les marchés ?

Les structures VIE sont essentiellement utilisées pour contourner les limites imposées à l’actionnariat étranger. Les sociétés technologiques chinoises cherchant à attirer des capitaux auprès d’investisseurs étrangers alors que l’actionnariat étranger est soumis à des limites peuvent employer une structure VIE afin d’être cotées aux Etats-Unis.

Les structures VIE - entités à intérêt variable - consistent en des accords contractuels qui donnent accès au bénéfice économique d’une entreprise sans propriété réelle des actifs sous-jacents. Il s’agit d'une norme acceptée depuis un certain temps qui représente désormais une part conséquente de l’indice MSCI Emerging Market.

Qu’est-ce qui a donc changé ?

Des initiatives ont récemment été prises pour réexaminer les fusions et acquisitions dans le cas des VIE. Et ces derniers jours, dans le cadre de la réforme du système éducatif, des mesures ont été prises pour interdire les structures VIE dans le secteur de l’éducation privée.

Ces évolutions ont conduit à une réévaluation du risque que ces structures puissent être menacées. Les actions de sociétés usant de la structure VIE ont connu une forte hausse de leur prime de risque.

Pourquoi le gouvernement chinois met-il particulièrement la pression sur les sociétés du secteur de l’enseignement ?

L’éducation est extrêmement compétitive en Chine. Il existe une vive compétition pour intégrer les meilleures universités, qui peuvent radicalement changer vos chances dans la vie. Par conséquent, la demande de soutien scolaire est très forte. Ce constat fait naître deux problématiques.

En premier lieu, cela place un fardeau considérable sur les jeunes étudiants, lequel peut entrainer des problèmes de préjudice sociétal. En second lieu, le coût très élevé du soutien scolaire est de nature à aggraver les problèmes d’inégalités. Ajoutés l’un à l’autre, ces deux enjeux ont un impact potentiellement négatif sur le taux de natalité.

La Chine affiche une population vieillissante et son taux de natalité diminue. La cause de cette diminution pourrait être que les parents préfèrent concentrer toute leur attention et leurs moyens sur un seul enfant. Il pourrait donc y avoir des incidences en termes de taux de natalité et d’inégalités. Ce problème se recoupe avec d’autres enjeux tels que le coût général du logement, ce qui pourrait également dissuader les couples d’avoir plus d’enfants. Tout cela est en rapport avec un programme de réforme impulsé par le besoin de légitimité du Parti communiste et des questions d’intérêt national.

Les sociétés chinoises sont entrées en bourse aux États-Unis par le biais d’American Depository Receipts (ADR), une pratique que le gouvernement chinois a indiqué ne pas plébisciter. Qu’en est-il selon vous ?

Je pense qu’il s’agit d'une question de contrôle liée à la réglementation, par exemple le contrôle des données et le simple souhait de ne pas voir les entreprises chinoises êtres cotées Etats-Unis. ​

Bien entendu, les Etats-Unis eux-mêmes pourraient imposer leur retrait de la cote. Le Holding Foreign Companies Accountable Act - signé à l’issue du mandat de Donald Trump - stipule essentiellement que dans un délai de trois ans, certains documents relatifs aux audits doivent être remis au Public Company Accounting Oversight Board (PCAOB). Faute de quoi, l’action concernée sera retirée de la cote. Il se pourrait donc que le retrait de la cote soit orchestré par les Etats-Unis et non pas par la Chine. Clairement toutefois, Pékin préférerait que les entreprises chinoises ne soient pas cotées aux Etats-Unis.

Une cotation à Hong Kong plutôt qu’aux Etats-Unis n’est pas nécessairement préjudiciable à nos yeux. Les Etats-Unis constituent une vaste réserve de capitaux et les sociétés technologiques chinoises pourraient également vouloir y être cotées pour des raisons de statut et de comparabilité avec les entreprises technologies cotées aux Etats-Unis.

Mais une cotation à Hong Kong permet également d’obtenir l’agrément au dispositif Southbound Connect. Les investisseurs de Chine continentale sont alors en mesure d’acheter vos actions et la Chine abrite une énorme réserve d’épargne. Nous pensons ainsi que les sociétés chinoises cotées aux Etats-Unis, si elles ne sont pas déjà cotées à Hong Kong, choisiront une double cotation à Hong Kong. Elles pourraient également sortir de la cote aux Etats-Unis, mais cela ne devrait pas pénaliser leur valorisation outre mesure.

Certaines sociétés technologiques chinoises très connues ont vu leurs actions chuter de 35 à 50 %. Est-ce exagéré ?

Le marché est en proie à de nombreuses incertitudes à l’heure actuelle. Celles entourant la réglementation pourraient avoir un impact sur les performances des entreprises. Les efforts visant à mieux aligner les intérêts du secteur privé sur l’intérêt national pourraient également avoir un impact sur les performances des entreprises. Les structures VIE sont dans le collimateur. Et des incertitudes plus générales entourent l’impact sur l’économie et le secteur privé d’un changement de politique en faveur de la prospérité commune. Toutes ces incertitudes font grimper la prime de risque et alimentent le risque que l’on assiste à une suppression des performances. C’est ce qui nourrit les tensions sur les marchés.

Et quid pour la suite ?

En premier lieu, nous souhaiterions obtenir de la part des autorités chinoises la confirmation dans une certaine mesure que les structures VIE seront respectées. Ce point est important. En second lieu, nous devrions commencer à observer une certaine stabilité sur le plan de la réglementation. L’établissement de nouvelles règles accompagné d’un certain degré de stabilité dans la réglementation pourrait donner aux investisseurs l’occasion d’évaluer l’impact opérationnel. La prime de risque pourrait alors commencer à diminuer, mais cela pourrait prendre du temps.

Quelle est votre impression concernant la Chine en tant qu’investisseur axé sur les marchés émergents ?

Nous sommes restés prudents vis-à-vis de la Chine tout au long du premier semestre.

Dans un premier temps, cette prudence découlait du niveau des valorisations. La Chine a connu une excellente année 2020. Elle a bien géré la Covid-19 via la mise en œuvre de mesures de confinement strictes qui ont permis de contrôler le virus et de normaliser l’activité plus rapidement que dans les autres pays. La composition de l’indice de référence a également été favorable, avec une exposition relativement importante aux valeurs technologiques, qui se sont très bien comportées l’an dernier. Cette année, deux aspects nous ont préoccupés. Tout d’abord, nous avons assisté à un revirement de l’impulsion du crédit en Chine, un changement du niveau des octrois de crédit, qui a atteint un pic au premier trimestre puis a pris une tournure négative. Le deuxième aspect est la généralisation des pressions réglementaires. Nous avons également été confrontés à une consommation plus faible que prévu. Nous étions déjà prudents et nous le sommes restés.

Les obstacles réglementaires pourraient s’estomper ces prochains mois. Il se pourrait également que les autorités décident d’accélérer le retrait des mesures de relance.La Chine reste un marché très important avec des niveaux d’innovation élevés. Le pays est très intégré au système économique mondial et restera un fournisseur majeur du reste du monde de nombreuses années durant. Néanmoins, les tensions entre la Chine et les Etats-Unis vont selon nous persister, ce qui pourrait avoir des conséquences.

Tom Wilson

Tânia Jerónimo Cabral

Head of Marketing Schroders Benelux, Schroders

Wim Heirbaut

Press and media relations, BeFirm

Serge Vanbockryck

Senior PR Consultant, Befirm

 

 

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