Les obligations d'entreprises moins attractives en 2020 à cause du ralentissement de l'économie américaine
4 février 2020
Certains signaux incitent les investisseurs en obligations d'entreprises à faire preuve de prudence, mais les signaux d'alarme ne sont pas encore déclenchés, explique Martin Arnold, économiste chez Schroders.
L'univers des obligations d'entreprises peut être divisé en deux grandes catégories : les obligations de type « investment grade » (IG) et les obligations à haut rendement (HY). Les obligations d'entreprises sont notées de manière indépendante pour refléter le niveau de risque de crédit pour les investisseurs. Les obligations IG sont de meilleure qualité et offrent le risque le moins élevé pour l’investisseur, tandis que la qualité des obligations HY est inférieure à celle des obligations IG. Les rendements plus élevés du segment HY reflètent le risque de défaut de paiement plus élevé pour les investisseurs.
Entre 2016 et 2018, les spreads se sont réduits tant pour le segment GM que pour le segment HY . Malgré un bond au quatrième trimestre de 2018, les spreads sont restés relativement stables pendant la majeure partie de 2019, ce qui traduit un faible niveau de préoccupation par rapport aux défauts de paiement causés par un ralentissement économique. Des spreads plus étroits sont normalement un signe que les entreprises se portent bien et que le risque est faible, y compris celui de défaut de paiement.
Mais en période de stimulation monétaire sans précédent, d’autres forces entrent en jeu. La politique monétaire menée en est en partie responsable, notamment à travers l'assouplissement quantitatif. Les investisseurs sont confrontés à des taux d'intérêt faibles ou négatifs sur la grande majorité des obligations souveraines, ce qui les pousse plus loin sur la courbe des risques dans leur recherche de rendements supplémentaires. Ce glissement vers des investissements plus risqués a entraîné une baisse de la compensation pour l'utilisation de capitaux empruntés.
Diminution des coûts d'emprunt
La dette des entreprises américaines augmente actuellement d'environ 5 % par an. C’est une croissance robuste, mais inférieure à la moyenne pluriannuelle. En outre, la croissance de l’endettement est en baisse par rapport à son point culminant de 2018, après la crise financière. Les entreprises sont moins enclines à emprunter davantage et elles s’attèlent à réduire le poids de leur dette. La réticence des entreprises à emprunter se répercute sur l'économie réelle par une diminution des dépenses d'investissement, ce qui ralentit la croissance économique globale.
Graphique : Croissance du PIB américain et de la dette des entreprises US

La santé relative des entreprises est due surtout à la politique accommodante de la Fed et à la santé financière des ménages. Les coûts d'emprunt sont en baisse depuis deux décennies, ce qui rend les dettes supportables. Par ailleurs, la consommation robuste soutient la croissance des bénéfices des entreprises. Si le coût de la dette a diminué, les prévisions de bénéfices ont également baissé, ce qui s’est traduit par une relative stabilité des niveaux de couverture des intérêts. Il convient de surveiller attentivement les coûts d'emprunt et les dépenses de consommation, car une détérioration de l’un ou l'autre de ces facteurs peut être un signe avant-coureur d'une récession imminente.
Signaux d'alerte précoce
La fixation des prix sur les marchés des obligations d'entreprises, stimulée par une liquidité suffisante, semble souligner que les investisseurs restent confiants par rapport à la santé du secteur des entreprises. Mais certains signes avant-coureurs incitent à la prudence.
Les marges bénéficiaires dans les secteurs cycliques, par exemple, ont diminué plus fortement à cause du ralentissement de l'activité économique aux États-Unis. La baisse des marges bénéficiaires, même si elles viennent d'un niveau très élevé, pourrait être un indicateur précoce que le ralentissement de la croissance se poursuivra sans doute pendant une bonne partie de l’année 2020. Martin Arnold s'attend à ce que cette détérioration se poursuive en 2020, étant donné que la hausse des salaires continue à mettre les marges sous pression. Cette situation est susceptible de peser sur les valorisations des obligations d'entreprises, en augmentant les spreads des IG et HY.
Les défauts de paiement dans le segment HY ont augmenté ces derniers mois, surtout dans le secteur de l'énergie. La relation avec le cycle économique n’est cependant pas présente. Bien que les défauts de paiement aient augmenté, ils viennent du bas niveau pluriannuel que l’on a observé en 2019. Mais ce qui est inquiétant, c'est que la part des émetteurs dans le segment HY – qui a des spreads supérieurs à 1000 pb – a augmenté jusqu’à atteindre son plus haut niveau depuis juillet 2016. Cela suggère que le taux de défaut de paiement pourrait rester plus élevé en 2020.
La dette des entreprises est moins attractive
Dans le climat économique actuel, il se justifie d’avoir en portefeuille des obligations d'entreprises. Mais leur attrait a diminué à cause de certains signes annonciateurs que les entreprises vont ressentir une pression financière croissante en 2020. Si la croissance se maintient à un rythme « plus faible pendant plus longtemps », il semble probable que la politique monétaire accommodante de la Fed fera en sorte que le coût de la dette reste gérable.
Globalement, certains signes incitent à la prudence. Il convient surtout de surveiller les secteurs et les indicateurs les plus cycliques comme le ratio de détresse et la partie défaut de paiement du spread HY. Ces derniers pourraient indiquer une nouvelle détérioration du marché. La politique accommodante de la Fed permet de préserver l’attractivité des obligations d’entreprises, mais il y a moins de marge pour un rétrécissement des spreads. Bien qu’aucun signal d'alarme ne se soit déclenché pour l’instant, il est peu probable que les obligations d'entreprises, en particulier HY, soient aussi rentables pour les investisseurs en 2020 qu'elles ne l’ont été en 2019.
Lire aussi ”No credit canary in the corporate coalmine", un chapitre de Global Market Perspective - Economic and Asset Allocation Views (January 2020), de Martin Arnold, écnomiste chez Schroders.
