Les géants technologiques sortent plus forts que jamais de la crise du Covid-19
5 mai 2020
Alors que la crise du Covid-19 plonge beaucoup d’entreprises dans l’incertitude, les grandes entreprises technologiques semblent en sortir plus fortes que jamais, constate Sean Markowicz, stratégiste chez Schroders.
Les entreprises technologiques profitent de la crise du Covid-19
Microsoft enregistre une augmentation énorme de l’utilisation de sa plateforme applicative en nuage Azure, grâce au fait que des millions de personnes travaillent à domicile. Amazon embauche des dizaines de milliers de nouveaux employés pour pouvoir répondre à la demande accrue. YouTube Kids a été l’application la plus plébiscitée en streaming au cours du premier trimestre. Facebook fait état d’une utilisation explosive des appels et messages vidéo. Les déplacements limités et la distanciation sociale rendent les consommateurs encore plus dépendants des grandes entreprises technologiques pour répondre à leurs besoins essentiels, les divertir et rester en contact avec leurs amis et collègues.
Le côté obscur de la force
Mais pour Schroders, il y a aussi un côté obscur au pouvoir des entreprises technologiques. Alors que les entreprises de plus petite taille et les start-ups sont frappées de plein fouet par cette crise, la pandémie va sans doute rendre les plus grandes entreprises technologiques encore plus puissantes qu’avant. Leur emprise sur la société va ainsi continuer à s’accroître.
Il n’est pas surprenant que les actions FAMAG (Facebook, Amazon, Microsoft, Apple et Google) aient surperformé le marché. Ces entreprises ont un poids considérable au sein de l’indice S&P 500. Ensemble, elles représentent aujourd’hui 20 % de l’indice et déterminent en grande partie le rendement des actions. L’indice S&P 500 à pondération égale est un meilleur comparateur de performance, car il suit la performance de l’entreprise américaine moyenne. Celle-ci a baissé de 19,4 %, soit presque deux fois plus que l’indice pondéré en fonction de la capitalisation boursière. Cela indique que les plus grandes actions ont surperformé les plus petites. Même si Facebook a sous-performé les autres actions FAMAG et l’indice S&P 500, la société au logo bleu et blanc a fait mieux que l’entreprise moyenne.
L’argent liquide est roi
Nombre d’entreprises ont vu leurs ventes littéralement retomber à zéro. Ce qui compte à présent, ce n’est donc pas tant le chiffre d’affaires que la question de savoir si une entreprise dispose de liquidités suffisantes pour survivre au confinement. En termes de trésorerie aussi, les FAMAG sont les gagnants relatifs. Ils ont des réserves supérieures à la moyenne, un passif à court terme relativement faible et la capacité à générer un flux de trésorerie important. À cet égard, les FAMAG font relativement mieux que le marché au sens large, mais aussi que le reste du secteur technologique.
Le tableau ci-dessous montre combien de temps les entreprises peuvent tenir avec leur trésorerie. Microsoft, par exemple, dispose de liquidités à hauteur de 134 milliards de dollars, ce qui permet de financer son passif (par exemple, les dettes à court terme, les salaires et autres comptes) pendant 2 ans et 4 mois. Ce montant est nettement supérieur au solde de trésorerie médian de 6 milliards de dollars, qui correspondent à une marge de trésorerie de 0,88 année (10,5 mois) pour les entreprises de l’indice S&P 500. Microsoft est aussi mieux à même que d’autres entreprises de traduire ses ventes en liquidités. Par exemple, son ratio flux de trésorerie d’exploitation/chiffre d’affaires était de 38, ce qui signifie qu’elle récoltait 38 dollars en espèces pour chaque tranche de 100 dollars de ventes.

Les bilans des autres entreprises sont moins solides. Une des conséquences potentielles est que des entreprises prometteuses, mais vulnérables risquent de faire la culbute ou d’être rachetées, renforçant ainsi encore la domination des géants de la technologie sur le marché.
Les entreprises technologies peuvent sortir renforcées de la crise
Une fois que les mesures de confinement auront été levées et que l’économie mondiale aura redémarré, les FAMAG profiteront peut-être du changement de comportement des consommateurs. Les plateformes de médias sociaux attirent un nouveau public, les gens passent plus de temps sur leur smartphone et les amateurs de shopping s’habituent à faire leurs achats en ligne. Ces changements dans les tendances de la consommation numérique pourraient entraîner des glissements durables dans les habitudes de consommation des consommateurs.
Les géants de la technologie ne sont pas immunisés contre le Covid-19
Les FAMAG ne sont cependant pas immunisés contre les effets économiques d’un confinement à l’échelle mondiale. Les annonceurs réduisent leurs dépenses, ce qui affecte le modèle de revenus de Google et de Facebook. La publicité représente respectivement 83 % et 98 % des rentrées de ces entreprises. Apple a été durement touchée par la baisse de la demande et les fermetures d’usines en Chine.
Le risque d’une position trop dominante
Pour Schroders, le plus alarmant est que les rendements des actions américaines dépendent en grande partie d’une poignée de sociétés technologiques. Durant la période comprise entre 2015 et 2019, le S&P 500 a gagné 74 %, mais cinq entreprises technologiques y ont contribué à elles seules à hauteur de 22 %. La crise du coronavirus ayant fait chuter le cours des actions de nombreuses autres entreprises, le poids des FAMAG a encore augmenté. Si, dans un cas hypothétique, les FAMAG plongent un jour de 10 %, les 455 entreprises restantes devront gagner 2,5 % pour que l’indice reste stable.
Une réglementation plus stricte constitue une menace.
À plus long terme, Schroders distingue surtout un risque lié à une réglementation plus stricte. Au cours des 18 derniers mois, les FAMAG ont déjà essuyé un feu croisé de critiques les accusant de fausser la concurrence. Plus la taille des entreprises technologiques augmente, plus elles risquent d’être soumises à une réglementation plus stricte. L’histoire regorge d’exemples de ce type. À un moment donné, cela peut avoir des conséquences graves sur leurs perspectives de croissance.
En ces temps de crise, les gouvernements font appel aux entreprises technologiques. Elles pourraient bien se voir imposer une réglementation similaire à celle qui s’applique aux entreprises d’utilité publique. Schroders voit certainement des conséquences à long terme pour les activités de fusions-acquisitions de ces entreprises, qui ont été un ingrédient important de leur succès.
Schroders rappelle encore une fois que rares sont les entreprises dominantes à être parvenues à conserver leur position dominante. Les gagnants d’aujourd’hui pourraient être les Nokia et BlackBerry de demain. Compte tenu du poids des FAMAG, une perte de la confiance accordée à ces entreprises pourrait faire chuter l’ensemble du marché. Les stratégies passives sont les plus exposées à ce risque. Les investisseurs doivent à tout le moins en avoir conscience.
Lire aussi Covid-19: why the tech giants have emerged as winners, de Sean Markowicz, stratégiste chez Schroders.
