Flambée de l'inflation sur les marchés émergents - les banques centrales peuvent-elles maintenir les taux d'intérêt à un niveau bas ?
7 février 2020
L'inflation sur les marchés émergents a été en baisse ces deux dernières années. Les banques centrales ont ainsi disposé d’une marge de manœuvre qui leur a permis de réduire les taux d'intérêt. La région se caractérisait généralement par des taux d'inflation élevés, parfois même à deux chiffres. La baisse de l'inflation s’est traduite par des rendements élevés sur les titres à revenu fixe de cette région. Actuellement, l'inflation décolle à nouveau sur les marchés émergents. Cela menace-t-il la marge de manœuvre dont disposent les banques centrales pour diminuer encore les taux d'intérêt ? La question fondamentale est de savoir si une inflation plus élevée constitue un renversement structurel qui met fin à la tendance de désinflation de l'après-crise, écrit Craig Botham, économiste spécialiste des marchés émergents chez Schroders.
Pour les banquiers centraux des marchés émergents, c’est un spectre qui ressurgit chaque fois que l'inflation repart à la hausse. Après les réductions de taux agressives de 2019, on pourrait connaître une période de hausse des taux d'intérêt pour résister à la pression inflationniste.
Graphique : L'inflation repart à la hausse sur les marchés émergents
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L'inflation globale augmente, mais pas l'inflation sous-jacente
Craig Botham pense que cette remontée de l’inflation dans les pays émergents n’est que temporaire. Il est exact que l'inflation augmente, mais l'inflation sous-jacente reste stable bien que faible. C’est important parce que l'inflation sous-jacente - l'inflation calculée en excluant les composantes volatiles comme l'alimentation et l'énergie - est moins volatile et reflète mieux les conditions économiques nationales que l'inflation globale. Les prix élevés des denrées alimentaires et de l'énergie stimulent une offre plus large et, comme ils sont fixés à l'échelle mondiale, les banques centrales peuvent difficilement les influencer par le levier des taux d'intérêt nationaux. C'est la raison pour laquelle les banques centrales se basent plus volontiers sur l'inflation de base. Craig Botham prévoit une reprise de la croissance économique sur les marchés émergents en 2020, ce qui pourrait aller de pair avec une certaine pression inflationniste.
Graphique : L'inflation sous-jacente continue de baisser sur les marchés émergents
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En cause : le pétrole et les denrées alimentaires
Au même moment, des chocs extérieurs ont mis sous pression les prix mondiaux des denrées alimentaires et de l'énergie. Le prix du pétrole a enregistré un pic en raison des tensions croissantes entre les États-Unis et l'Iran. Les prix mondiaux des denrées alimentaires ont augmenté à cause d'une combinaison d'événements dans plusieurs pays. Les récoltes ont souffert du mauvais temps, tandis qu’en Asie, le virus de la grippe porcine a décimé la population porcine. Selon Craig Botham, aucun de ces chocs ne semble toutefois affecter l'offre ou la demande de manière permanente et les effets sur l'inflation sont donc limités. Outre la réaction attendue de l'offre face à la hausse des prix, les tensions avec l'Iran se sont quelque peu apaisées et le virus de la grippe porcine a commencé à perdre en intensité. Les prix pétroliers ont également baissé récemment à cause des craintes concernant l'impact du coronavirus sur la demande mondiale.
Graphique : Des chocs externes font grimper l'inflation globale sur les marchés émergents
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L’inflation restera à un bas niveau aussi dans les pays émergents
Pour Craig Botham, les risques sont modérés en ce qui concerne la prévision d'inflation. L'inflation sous-jacente est toujours en baisse. La hausse de l'inflation est due surtout à l'augmentation des prix du pétrole et des denrées alimentaires, et dans un cas comme dans l’autre, cette hausse des prix ne semble pas appelée à durer. Le pétrole est le facteur le plus risqué. Les tensions avec l'Iran peuvent reprendre. En l'absence de conflit armé, les prix du pétrole seront surtout volatils. En ce qui concerne l'inflation des prix des denrées alimentaires, Craig Botham pense qu'elle atteindra un niveau proche de son pic, sauf en cas de nouveaux chocs. Il pense donc que les banques centrales des marchés émergents continueront à mener une politique monétaire accommodante. À cet égard, l'inflation des pays émergents restera à un niveau durablement bas, comme beaucoup d'autres indicateurs à l’heure actuelle.
Pour en savoir plus, lisez Inflation bump should not dislodge EM central banks, paru dans le dernier Economic & Strategie Viewpoint, de Craig Botham, économiste spécialiste des marchés émergents chez Schroders.
