Domination du secteur technologique : des nuages à l’horizon ?

Perspectives 2025 de Schroders pour les actions mondiales

Cette année, les facteurs déterminants de la vigueur des marchés actions ont été les bons résultats publiés par les entreprises (en particulier aux États-Unis) et l’optimisme des investisseurs quant à la possibilité que cette tendance se prolonge en 2025. « Pour le moment, les actions mondiales, malgré leurs valorisations élevées, peuvent continuer à bien se comporter compte tenu du contexte économique relativement favorable », déclare Alex Tedder, co-responsable Actions chez Schroders. « À plus long terme, les perspectives sont toutefois plus incertaines. »

Au premier semestre, les actions de six géants technologiques (Meta, Alphabet, Microsoft, Nvidia, Amazon et Apple), ont représenté plus de la moitié de la performance totale du marché actions américain. Sans surprise, ces six entreprises sont liées au thème de l’intelligence artificielle (IA).

Les actions de Nvidia (premier producteur de chipsets dédiés à l’IA) ont progressé de plus de 600 % depuis le lancement de ChatGPT en novembre 2022. La frénésie des investisseurs a également été entretenue par la forte croissance du chiffre d’affaires et des bénéfices dans l’ensemble des activités, ce qui a poussé la concentration du marché actions américain à des niveaux record, comme le montre le graphique de droite.

« Les perspectives de ces entreprises, et du secteur technologique en général, restent globalement positives », indique Alex Tedder. « Ces sociétés de très grande taille présentent des différences mais ont un dénominateur commun. Elles possèdent généralement des caractéristiques spécifiques qui leur permettent de dominer leurs secteurs respectifs et de générer une croissance, des marges et des rendements exceptionnels. À moins d’une intervention réglementaire importante cherchant à affaiblir la domination de ces « franchises », elles resteront probablement des entreprises extraordinairement rentables et des composantes importantes des portefeuilles mondiaux. »

Cependant, le volume des dépenses consacrées à l’IA devient un problème croissant pour ce groupe de sociétés. Les trois grands fournisseurs d’infrastructures d’IA : Microsoft, Google, propriété d’Alphabet, et Amazon, qualifiés par le terme anglais « hyperscalers », investissent des sommes gigantesques dans la « course à l’armement » dans le domaine de l’IA, et le rythme des dépenses ne montre aucun signe de ralentissement. « Cela s’explique en partie par le fait qu’ils peuvent se permettre d’investir des sommes colossales, compte tenu de la solidité de leurs bilans et de leurs flux de trésorerie », explique Alex Tedder. « Mais les prévisions de progression des ventes résultant de ces investissements – au moins pour les deux prochaines années – sont en réalité assez modestes. Le marché doute que la monétisation de ces investissements bénéficiera aux actionnaires. »

Cela intervient à un moment où, du moins pour les plus grandes sociétés technologiques, la croissance des bénéfices commence à ralentir. Si le retour sur investissement dans l’IA s’avère long à se concrétiser, les investisseurs ont raison de s’interroger sur la pérennité de la domination technologique, du moins pour les entreprises les plus exposées comme Nvidia.

Les actions sont chères, mais les valorisations élevées peuvent se maintenir (pour le moment)

L’une des conséquences de la hausse soutenue du marché boursier est que les actions sont devenues chères. En utilisant un éventail de mesures de valorisation différentes et couramment utilisées, et en les comparant à leurs médianes à long terme (15 ans), les niveaux de valorisation semblent excessivement élevés aux États-Unis, et aucun autre marché ne ressort à un prix raisonnable. Même les marchés mal-aimés comme le Royaume-Uni et le Japon sont loin d’être sous-évalués. ​ Alex Tedder : « Dans ce contexte, les marchés actions sont vulnérables à toute forme de catalyseur négatif (par exemple, un choc externe découlant de l’escalade des conflits). »

En réalité, ces valorisations devraient toutefois être relativement bien soutenues à court terme. D’un point de vue macroéconomique, l’inflation mondiale reste sur une trajectoire baissière, ce qui permet aux banques centrales de s’engager dans un cycle de baisse des taux directeurs relativement synchronisé.

Historiquement, la baisse des taux a presque toujours soutenu les marchés actions. Compte tenu de la vigueur actuelle de l’économie américaine, une récession semble peu probable et la confiance des entreprises dans certains des secteurs de l’économie mondiale les plus sensibles à l’évolution des taux d’intérêt devrait se renforcer.

D’un point de vue bottom-up, la vigueur persistante de l’économie américaine et la stabilisation progressive de la conjoncture dans le reste des pays développés et en développement devraient permettre une croissance des ventes et des bénéfices en 2025.

Le consensus des analystes estime la croissance moyenne des bénéfices sur les deux prochaines années dans les principales régions du monde à entre 8 et 12 % par an (source : LSEG Datastream, Unité de recherche stratégique de Schroders, novembre 2024). Dans l’hypothèse du maintien des valorisations sur les marchés actions, les opportunités de performance des actions mondiales seraient raisonnables, voire spectaculaires.

Ces chiffres reflètent implicitement l’idée d’un « élargissement » des marchés, c’est-à-dire que les secteurs jusqu’ici négligés au profit des géants technologiques, comme les capitalisations plus modestes et les entreprises de petite taille commencent à bénéficier de flux de capitaux positifs. Comme le montre le tableau ci-dessous, les petites et moyennes entreprises sont bon marché par rapport aux grandes capitalisations et comparé à leur historique.

Les actions ne sont pas bon marché, en particulier aux États-Unis. Mais les entreprises de taille moins importante sont relativement attractives aujourd’hui
Les actions ne sont pas bon marché, en particulier aux États-Unis. Mais les entreprises de taille moins importante sont relativement attractives aujourd’hui

Trump 2.0 : bien des choses peuvent arriver

La récente élection de Donald Trump pour un second mandat à la présidence des États-Unis devrait être un joker pour les investisseurs à moyen terme. Les opinions de Schroders sur les grands thèmes sont les suivantes :

  • « L’Amérique d’abord » : cette politique va s’appliquer à de nombreux domaines mais pour résumer, cela signifie moins de mondialisation, des accords affaiblis et plus d’incertitude. Les marchés, pour des raisons évidentes, n’aiment pas l’incertitude.
  • Droits de douane et impôts pour les particuliers : si Trump met en œuvre sa politique planifiée et tant vantée d’imposer des droits de douane de 10 % ou 20 % sur TOUTES les importations et de 60 % sur les importations en provenance de Chine, les effets seront dramatiques. Un droit de douane est une taxe directe et régressive sur le consommateur américain. Donald Trump pourrait tenter d’en compenser l’impact par des réductions d’impôts sur les revenus des particuliers (en grande partie au profit du 1 % des ménages les plus aisés), mais en tout état de cause ces mesures seront inflationnistes. Le marché obligataire en tient déjà compte.

Alex Tedder : « Sous Trump, le monde ne sera plus le même. Certaines de ses initiatives politiques auront des conséquences voulues importantes, mais aussi de nombreuses répercussions imprévues. En conséquence, la volatilité des marchés risque à tout le moins d’augmenter. Dans ce contexte, notre objectif reste le même que d’habitude : rechercher à l’échelle mondiale les entreprises qui renferment le plus gros potentiel de croissance en termes de chiffre d’affaires, de flux de trésorerie et de bénéfices. Les cours des actions peuvent s’écarter des fondamentaux (parfois bien plus longtemps que prévu), mais les bénéfices restent l’élément déterminant de leur évolution. Dans un monde volatil et en évolution rapide, l’importance de la discipline d’investissement devient encore plus marquée. Nous sommes positionnés pour tirer parti de la croissance, mais nous sommes aussi prêts à absorber les phases de volatilité. »

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