Allons-nous vers une période de faiblesse du dollar ?
Un monde où l’argent se raréfie semble peut-être relever de la fiction, mais pour les banques américaines, c’est devenu une réalité, explique Michael Devereux, gestionnaire de fonds Multi-Asset chez Schroders. Le graphique ci-dessous fait apparaître une pénurie de dollars américains à l’échelle mondiale. D’après l’indice large du dollar, le billet vert ne s’est renforcé par rapport aux autres monnaies que durant les cinq dernières années. Les récents changements de politique de la banque centrale américaine (Fed) permettraient de réduire la pénurie de dollars, ce qui réduirait l’attrait de la monnaie américaine auprès des investisseurs.

Nouvelles règles après la crise financière
Au lendemain de la crise financière de 2008, les marchés financiers ont été soumis à toute une série de nouvelles règles et de nouvelles normes. L’objectif était d’éviter qu’une telle crise financière ne se reproduise. L’une de ces nouvelles règles était que la Fed paierait des intérêts sur les réserves excédentaires des banques (le taux « IOER »).
Les banques américaines sont tenues d’avoir un « compte bancaire » auprès de la banque centrale, sur lequel elles doivent déposer un montant minimum pour pouvoir exercer leurs activités. Ce montant minimum est appelé les « réserves obligatoires ». Les dépôts effectués auprès de la Fed au-delà du niveau minimum, qui sont appelés les « réserves excédentaires », fournissent aux économistes et aux investisseurs un baromètre utile de la disponibilité du dollar dans le système financier. Plus les réserves excédentaires sont en principe disponibles, plus les banques se sentent à l’aise pour prêter de l’argent.
L’assouplissement quantitatif a augmenté l’offre de dollars américains
Durant la période d’assouplissement quantitatif (2008-2015), la Fed a acheté des obligations à grande échelle. Ce faisant, elle a créé de l’argent frais, ce qui a injecté des dollars américains dans le système financier et accru la disponibilité du billet vert - en théorie, la plupart des banques pouvaient prêter plus de dollars. La croissance économique s’est nettement améliorée et le redressement des bénéfices des sociétés s’est traduit par des performances robustes des actions américaines.
Lorsque l’assouplissement quantitatif a pris fin, l’offre de dollars américains a également diminué. En même temps, les banques commerciales avaient définitivement modifié leur comportement. Ces institutions s’empruntent généralement de l’argent les unes aux autres en utilisant des actifs sûrs comme les bons du Trésor américain pour garantir les prêts. Au lieu d’utiliser ces actifs sûrs pour prêter de l’argent, les banques se montrent frileuses et n’en font rien. La diminution du crédit au sein du système financier finit par entraîner un ralentissement des dépenses de consommation et des investissements des entreprises. Résultat final : la Fed injecte moins de dollars dans le système financier tandis que les banques commerciales se fournissent mutuellement moins de dollars.
La Fed doit venir (une nouvelle fois) à la rescousse
Le bon fonctionnement des marchés financiers dépend des flux de crédit et de liquidités. La réticence des banques commerciales à convertir des actifs sûrs en prêts a limité les flux de liquidités en dollars américains. On en a vu un symptôme aigu en septembre avec la hausse soudaine des taux d’intérêt que les banques se facturent mutuellement pour les prêts au jour le jour. La Fed a perçu le danger et a aussitôt accordé des prêts aux marchés financiers à hauteur de 250 milliards de dollars.
Après avoir décidé une nouvelle baisse des taux d’intérêt lors de sa récente réunion d’octobre, la Fed prend des mesures pour faciliter le crédit à tous. Les tensions financières de septembre et la réaction de la Fed pour fournir des liquidités pourraient être un catalyseur pour inverser la tendance à la baisse des réserves excédentaires. Cela pourrait donc aussi marquer le début d’une phase d’affaiblissement du dollar américain.
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